Le concept de citoyenneté
1 Les fondements de la citoyenneté sous l’Antiquité
Le mot "citoyen" vient du latin civis, mais la qualité de citoyen est une invention des cités grecques. Ceux qui en disposent ont ainsi le droit de participer à la gestion des affaires publiques. Son principe essentiel pose que tous les citoyens sont égaux devant la loi (en grec, isonomia) et interviennent donc, de manière égale, à la prise de décision politique. Les citoyens peuvent se réunir dans un lieu unique afin de débattre des grandes questions intéressant la cité (guerres, traités de commerce, élections à divers postes…). La citoyenneté antique ne concerne qu’une petite minorité. Ainsi, par exemple à Athènes, seuls 10% des habitants ont la qualité de citoyens. Ce sont tous des hommes libres. Les femmes, les esclaves et les "métèques", c’est-à-dire les étrangers, en sont exclus.
La citoyenneté existe également à Rome, mais son évolution y est très différente. Au fur et à mesure de l’extension de son empire, Rome donne à un nombre d’individus toujours plus important le droit de cité. Le dernier stade de cette évolution est constitué par l’édit de Caracalla (212 ap. J-C), par lequel tous les habitants de l’Empire se voient reconnaître cette qualité.
La notion de citoyenneté connaît ensuite une éclipse à l’ère des monarchies. Sociétés de privilèges, elles écartent toute participation de leurs sujets à la décision politique.
2 Le renouveau de la citoyenneté à partir du XVIIe siècle
La notion de citoyenneté réapparaît au XVIIe siècle avec la Révolution anglaise, notamment à travers l’œuvre de Thomas Hobbes, Le citoyen ou les fondements de la politique (1642). Tout au long du XVIIIe siècle, les philosophes s’interrogent sur ce concept. À la veille de la Révolution française, le lien entre citoyenneté et vote n’est pas encore bien établi. Les plus attachés au rôle de citoyen sont aussi souvent les plus ardents défenseurs de la démocratie directe.
La grande nouveauté de la période révolutionnaire est, en revanche, le lien qui est désormais instauré entre nationalité et citoyenneté. Si dans les premiers temps de la Révolution, on accorde, de manière fort généreuse, la citoyenneté aux étrangers résidant sur le sol national, la règle change rapidement et la nationalité française devient une condition sine qua non de l’acquisition de la qualité de citoyen.
La portée politique de la citoyenneté est, dans un premier temps, limitée par la distinction entre citoyens "actifs" (pouvant voter et se présenter aux élections en fonction de leur âge, 25 ans minimum, et du montant de leurs impôts, équivalant à trois journées de travail) et "passifs" (qui disposent de plusieurs droits, mais pas de celui de voter ou d’être élu). Le suffrage est donc dès le départ censitaire. Après une brève application du suffrage universel masculin pour élire la Convention en 1792, le suffrage censitaire est rétabli par le Directoire en 1795. Ce suffrage continue de s’appliquer pendant la première moitié du XIXe siècle, témoignant ainsi d’une conception toujours restreinte de la citoyenneté. C’est en 1848 que le suffrage universel masculin est instauré : il ne sera dès lors plus remis en cause dans son principe.
Une citoyenneté pleine et entière est progressivement reconnue à des catégories auparavant exclues : les femmes (ordonnance du 21 avril 1944) et les militaires (loi de 1972). Seuls demeurent exclus, de droit, les jeunes gens non majeurs (avant 18 ans) et les étrangers non européens (qui n’ont pas la nationalité d’un des pays membres de l’Union européenne).
3 Quelles transformations contemporaines de la citoyenneté ?
Une évolution importante est la naissance d’une véritable citoyenneté européenne. Outre le droit de vote et d’éligibilité reconnus par le traité de Maastricht (1992), cette nouvelle citoyenneté comprend également le droit de pétition auprès du Parlement européen et le droit de déposer une plainte auprès du Médiateur européen, institué en 1995, en cas de mauvais fonctionnement d’une institution communautaire.
La recherche, par les citoyens, d’une citoyenneté plus active, approfondie est une question récurrente. Celle-ci comprend à la fois la revendication d’un rôle plus direct dans la prise de décision politique (de nombreuses enquêtes d’opinion révèlent le souhait des citoyens d’un recours plus fréquent au référendum local ou national), mais aussi l’acquisition de nouveaux droits. Ainsi, les fonctionnaires ont acquis des droits qui leur étaient auparavant déniés : droit d’adhérer à un syndicat, droit de grève (tous deux reconnus par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946).
Enfin, l’élargissement du cercle des détenteurs de la citoyenneté constitue une autre interrogation en perpétuel débat. C’est la question de la reconnaissance du droit de vote aux étrangers non ressortissants d’un autre État de l’Union. Aujourd'hui, s’ils disposent de tous les droits fondamentaux des Français, les étrangers ne peuvent participer à aucune élection. Le débat sur ce thème est toujours vif.
Le débat porte également sur l’ouverture du droit de vote à 16 ans. L’Ecosse, à l’occasion du référendum du Brexit et quelques länders allemands l’ont expérimenté. L’Autriche l’a généralisé. Les études sociologiques montrent qu’en accompagnant les lycéens dans cette démarche citoyenne, ils deviennent des citoyens plus assidus, notamment en s’abstenant moins lors des élections.